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Comment les rédactions peuvent-elles vérifier les vidéos diffusées en direct par les internautes ?

Aujourd'hui, pratiquement n'importe qui est en mesure de diffuser des vidéos en direct depuis son smartphone. Cela donne lieu à d'importantes réflexions en matière d'éthique et de vérification.

vidéos en direct
Nayu Kim/Wikimedia Commons. Certains droits réservés.

Depuis que Facebook et Twitter (avec Periscope) offrent aux utilisateurs la possibilité de diffuser des vidéos en direct à partir de leurs appareils mobiles, les médias ont commencé à voir et verront une tendance accrue à la production de ce type de contenus dans des situations d’actualité brûlante.

Les vidéos diffusées en direct doivent toutefois être traitées avec la même prudence que d’autres contenus. Elles ne présentent un réel intérêt pour le public que si les journalistes sont capables de les vérifier et d’ajouter le contexte nécessaire.

Même si les plus importants réseaux sociaux viennent de s’y mettre, il convient de rappeler que la diffusion en direct au public existe depuis quelques années maintenant et que de précieuses leçons ont déjà été tirées quant à la vérification des informations et aux considérations éthiques à prendre en compte.

Bambuser a été parmi les premières plateformes à offrir à ses utilisateurs la possibilité de diffuser des vidéos en direct. En Syrie, dès les premières manifestations et le début de la guerre civile, une importante communauté de personnes réalisant de la diffusion en direct s’est mise en place. Ces activistes ont publié des vidéos présentant en direct le pilonnage de nombreuses grandes villes syriennes, notamment le premier siège de la ville de Homs.


Les activistes syriens ont utilisé Bambuser pour diffuser des vidéos en direct dès les premiers jours de la guerre civile. Ce type de contenu a été largement repris par les diffuseurs.

La leçon la plus importante tirée de ces flux continus a été l’impact que peut avoir la diffusion en direct depuis un lieu spécifique sur la sécurité d’un individu. En effet, les auteurs de ces contenus ont souvent été pris pour cible par les forces de l’opposition lorsque leur position était trop évidente. De nombreuses personnes ont ensuite pris l’habitude de réaliser ces vidéos depuis des toits ou d’autres emplacements statiques non fréquentés.

Infographie mise à disposition par Bambuser

Infographie mise à disposition par Bambuser

Regarder un événement se dérouler en direct, souvent sous différents angles et avec des repères clairement identifiables, offre la possibilité de vérifier le contenu suffisamment rapidement pour pouvoir le diffuser en continu. Ce que de nombreux médias font.

Au plus fort des tensions à Ferguson, dans le Missouri, en août 2014, de nombreux manifestants se sont tournés vers l’application Ustream, retransmettant souvent des heures de vidéo filmées en une fois. Un policier avait alors été suspendu pour avoir menacé avec son arme une personne diffusant en vidéo en direct.

La diffusion en direct étant désormais inextricablement liée à la distribution via les réseaux sociaux, des questions se posent, auxquelles de nombreuses personnes attendent des réponses.

Comment vérifier les vidéos diffusées en direct ?

Il est presque plus facile et certainement plus rapide de vérifier une vidéo transmise en direct que des vidéos mises en ligne a posteriori, car le plus ardu en matière de vérification consiste à déterminer le moment et la localisation d’un contenu. Un flux vidéo continu géolocalisé résout ce problème très rapidement, en particulier si vous disposez d’autres sources confirmant qu’un événement est en cours.

Pour des raisons évidentes, il est également plus difficile de truquer une vidéo en direct. Le risque que la réalité y soit maquillée ou altérée est donc moindre.

La communication avec les personnes produisant ces contenus est essentielle pour pouvoir les vérifier. Si les flux continus présentent de clairs avantages à ce sujet, ils entraînent aussi des difficultés.

Par exemple, la plupart des plateformes de diffusion en direct vous permettent d’interagir avec les utilisateurs pendant la retransmission (bien que ceux-ci ne soient pas toujours en mesure de répondre). De plus, les comptes sont généralement liés à des réseaux sociaux, vous offrant la possibilité de contacter les personnes par la suite.

Cependant, ces utilisateurs auront davantage tendance à répondre lorsqu’ils ont l’appareil en main. Une fois l’événement terminé, il est possible qu’un certain temps s’écoule avant qu’ils se reconnectent. Et si votre message est perdu parmi une multitude d’autres, il risque de passer inaperçu.

Que faire pour qu’une vidéo en direct vérifiée puisse être présentée à une audience (avec présentation du contexte) ?

Toutes les plateformes proposant la mise en ligne de ce type de vidéos permettent d’intégrer la version en direct et la version visionnable par la suite des vidéos. Des informations importantes sur la vérification peuvent et doivent alors être communiquées au public.

Diffuser une vidéo en direct publiée sur un réseau social reste quelque chose de compliqué, il vous faudra probablement utiliser un appareil de conversion pour capturer un écran d’ordinateur en temps réel dans votre régie. De plus, avec les vidéos Vine et Instagram, le format vertical ne donne pas toujours un résultat satisfaisant lorsqu’il est affiché en 16:9.

Contrairement à d’autres technologies de vidéo en direct que les diffuseurs traditionnels ont utilisé pendant des dizaines d’années, il n’est pas possible de configurer un décalage dans la diffusion d’un flux vidéo continu. Lorsqu’une bombe a explosé au centre de Bangkok en août 2015, les utilisateurs de Periscope étaient parmi les premiers sur les lieux et des images choquantes ont ainsi été transmises au monde entier. Les sociétés de diffusion pourront toujours ajouter un décalage, mais pour ce type de contenus intégrés, il s’agit d’un élément essentiel à prendre en considération.

Comment pouvons-nous garantir la sécurité des auteurs de vidéos en direct ?

Ayez toujours leur sécurité en tête en temps réel

au regard des événements qui se déroulent. Par exemple :

  • Sont-ils en train de filmer une situation dont quelqu’un pourrait souhaiter stopper la diffusion ?
  • La personne ou les personnes qui pourraient souhaiter l’interruption de la diffusion peuvent-elles identifier celle qui filme et/ou sa localisation, et utiliser ces informations pour lui porter préjudice ?
  • L’utilisation de ce flux continu par une chaîne d’informations ou une plateforme de diffusion risque-t-elle de changer la nature de l’événement et ainsi mettre en danger la personne qui filme ?
  • L’utilisation du contenu ou votre communication avec la personne l’ayant créé peut-elle encourager ou inciter l’auteur à prendre des risques incalculés ?
  • Dans le cas où l’auteur de la vidéo en direct capture un contenu ayant d’importantes implications légales, considérant le fait que la plupart ne sont pas formés au droit des médias, la diffusion en direct de ce contenu (en supposant que vous ne disposiez pas de possibilité d’interruption d’urgence ni de décalage dans la diffusion) risque-t-elle de le pousser à enfreindre la loi ?

Avec les nouvelles technologies, il suffit de plonger la main dans sa poche pour lancer la diffusion d’une vidéo en direct. Cela signifie qu’un nombre croissant de contenus vidéo susceptibles d’intéresser les médias sont disponibles pour les rédactions lorsqu’une information éclate. Mais n’oublions pas que cette immédiateté renforce également la nécessité d’utiliser ces contenus de manière responsable.

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